L'asile

Un asile, un Oubli.
Toi dans les oubliettes.
C'est ça l'asile.
C'est là qu'on met
Ceux qui sont trop sensibles,
Ceux qui ne peuvent plus nous supporter.
C'est là que tu es.
Et moi qui vient te voir.
Te rendre visite. Te rendre visite !
J'ai honte. J'ai honte parce que
Tu es enfermé et que moi je suis libre;
J'ai honte parce que c'est ma faute.
Parce que je n'ai pas eu la force
Et de te voir là me fait mal,
Parce que c'est moi,
C'est presque moi. Et toi tu n'as pas eu de chance.
Comme toujours, pas de chance d'être là,
Pas de chance de n'avoir pas compris.
Moi je sais, mais je n'ai pas la force de t'expliquer.
T'expliquer que pour vivre,
Tu dois choisir. Et je ne le fais pas,
Parce que tu ne peux pas choisir
Et parce que c'est trop tard. Comment veux tu sortir de là?
Moi je ne sais pas.
Je cherche, mais je ne trouve pas.
L'asile, c'est une horreur.
C'est l'horreur de voir des gens souffrir,
Des gens qui n'ont plus de regard,
Qui ont oublié la rue, les oiseaux,
La chaleur du soleil.
L'asile c'est
Des murs blancs,
Du silence,
Des docteurs,
Et c'est tout.
Et le bruit des voitures dehors,
Qui fait mal à entendre
Et qui te rappelle que tu es enfermé
Et que dehors il y a la liberté.
Qui te rappelle que des gens t'ont placé là,
Que l'on s'est débarrassé du déchet
Et ça fait un peu plus mal
Un peu plus mal jusqu'au jour où,
Comme l'autre nuit,
Tu n'en pourras plus.
Comme l'autre nuit où a voisine s'est pendue,
Celle qui devait, mais qui n'est pas sortie :
Une simple erreur sur les papiers.
Et voilà une chambre de libre
Une chambre pour un nouvel arrivant
Un nouveau qui va raconter son histoire
Et puis qui va attendre comme les autres,
Avec un peu moins d'espoir
Chaque jour que Dieu fait et que le soleil se couche
Un peu moins d'espoir pour vivre,
Un peu plus d'angoisse pour l'aider à mourir.
Voilà, c'est ça l'Asile et moi je ne veux pas.
Je veux que tu sortes de là,
Je veux que tu vives,
Que tu parles et que tu ris
Je ne veux plus voir tes yeux tristes,
Que cesse cette agonie
Où je deviendrai folle
Folle de te perdre.
Te perdre?
C'est impossible.
A mon frère